Complainte
Ne sois ni le glaive ni la flamme
Ne sois pas l’aquilon déchaîné
Sois tout doux tout doucement ma femme
Qui vit l’amour sans l’opprimer.
Ne sois pas le maître des tourmentes
Ne laissant que cendres et fumée
Sois tout doux tout doucement l’amante
Qui vit l’amour sans le consumer.
Ne sois pas l’ange au cœur d’un lamie
Qui dévore en prétextant aimer
Sois tout doux tout doucement l’amie
Qui vit l’amour sans le nommer.
Message
Il y a dans tes yeux des pétales d’azur
Il y a dans ton cœur la lumière d’un lys
Et moi j’ai dans les yeux parmi les clairs-obscurs
Le soupir d’un chardon pour un myosotis.
Je t’aime ô je t’aime et c’est comme une souffrance
C’est comme un désert lacéré par une source
Et c’est la muette et sobre désespérance
D’une étoile que consume sa propre course.
J’erre et je m’enlise dans les brumes du passé
Papillon nocturne qu’une flamme a séduit
Que puis-je t’offrir ? Un chrysanthème blessé
Hier est si lourd dans la hotte d’aujourd’hui.
Je t’aime ô je t’aime et c’est comme une souffrance
L’âme décrucifiée pour s’être un jour enfuie
L’île et le naufrage l’oasis et l’errance
Un soleil sculpté dans une larme de pluie.
Ta voix est un alcool et ton corps ah ! ton corps
Marée et navire pirate mais captif
Violon et archet j’y ai bu les accords
Et j’y ai enivré mes appétits craintifs.
Je t’aime ô je t’aime et c’est comme une souffrance
Mais comprends-tu cela ? cette ultime naissance
Et le cri à l’amour le fruit et la délivrance
Je t’aime ô je t’aime et c’est comme une espérance.
Il y a dans tes yeux des épis de lavande
Il y a dans ton cœur la douceur de l’aurore
Et moi j’ai dans les yeux le chant triste des landes
D’un jonc solitaire amoureux d’un météore.
Le serment
Un monstre de granit surgissant du brouillard
Bravait l’ire hurlante des autans nasillards
Du maquis dépeigné s’échappaient des murmures
Les sylphes chantaient et se jouaient des lémures.
La pluie laissait traîner sa mante enluminée
Que les alouettes poursuivaient fascinées.
Des cieux ouverts pleuvaient des arcs-en-ciel déments
Les sylphes dansaient et se jouaient des tourments.
Et nous, nous étions là, la pluie et les fantômes
Les elfes les djinns et les vilains petits gnomes
Ne nous troublaient point car nous étions des amants
Au jour miraculeux de leur premier serment.